Lundi, 05.08.2024

La restauration sans déchets

Le rucher à côté de la terrasse et le compost derrière la cuisine, le charmant restaurant de l’Écluse à Bienne (BE) travaille selon le principe de l’«économie circulaire». Le gérant, Sandro Bianchin (35 ans) explique comment cela fonctionne.

Qu’entendez-vous par «économie circulaire»?
En économie circulaire, les ressources sont utilisées aussi longtemps et efficacement que possible. Le principe s’applique à l’énergie, et à l’eau, aux aliments, aux emballages, mais aussi à la collaboration avec mes fournisseurs et les producteurs. Au lieu d’aller simplement d’un point A vers un point B, nous essayons de mettre en place des circuits durables. Nous considérons un produit, sa culture, son transport et sa valorisation dans son ensemble et du point de vue de son efficacité.

Auriez-vous un exemple concret d’économie circulaire à l’Écluse?
Il y en a beaucoup. La tasse de café, que vous tenez entre les mains, est composée de marc de café pressé, donc soi-disant un déchet. Ça dure très longtemps. Les matériaux comme le verre ou la porcelaine sont fragiles et difficiles à réparer, c’est pourquoi nous évitons de les utiliser. Toutefois, nous collaborons avec une entrepreneuse qui fabrique pour nous de la vaisselle à partir de débris. Autre exemple: la carte de menu numérique, avec un code QR. Vu que nous proposons une cuisine de saison, nous devions sans cesse imprimer de nouvelles cartes. Nous économisons du papier.

Qu’en est-il de la cuisine?
Une petite carte, beaucoup de produits de saison et de la région. Nous travaillons exclusivement des produits provenant d’un périmètre de 50 km aux alentours. Et nous faisons beaucoup de choses nous-mêmes. Ce qui exige une grande capacité de stockage. Quand j’ai ouvert le restaurant, j’ai transformé le cabanon de jardin en trois grandes chambres froides et j’ai loué un espace de stockage en ville. J’y empile des conserves, des produits fermentés et séchés, et bien sûr, tout est fait maison.

Vous avez même des ruches…
Nous produisons 25 kg de miel par an! Pour moi, les abeilles illustrent parfaitement ce système circulaire: elles sont indispensables pour les plantes dans notre jardin et elles produisent du miel.

«L’objectif serait de ne plus avoir de poubelles»

Dans la restauration, l’exemple le plus connu de l’économie circulaire est d’éviter le gaspillage alimentaire.
Nous évitons le gaspillage. Par exemple, nous cuisinons aussi les feuilles et la peau des betteraves ou nous les utilisons en tant que ressources utiles. Nous gérons notre propre compost pour les déchets verts qui, à son tour, alimente notre jardin. Quant aux coques de noisettes, nous les transformons en glace. Et le gaspillage ne s’applique pas seulement aux produits alimentaires. Globalement, nous évitons tout ce qui est à usage unique. Au niveau de l’équipe, chaque membre a sa propre serviette plutôt que d’utiliser du papier pour se sécher les mains. Mon objectif ultime est de ne plus avoir de poubelles. Mais là, malheureusement, la loi ne suit pas: la règle veut que chaque lavabo soit équipé de papier essuie-mains. Malgré tout, nos poubelles sont toujours vides.

«Malheureusement, la loi ne suit pas»

Pour la plupart des restaurants, avoir un compost ou un rucher est une utopie.
C’est un exemple extrême d’économie circulaire. Mais chaque établissement peut repenser ses circuits: pour les achats, en cuisine, avec la clientèle, dans le bâtiment… L’association Circular Gastronomy Switzerland a développé avec nous un guide. Je trouve que le plus important est de ne pas faire l’autruche et de dire que telle ou telle chose ne fonctionnerait pas. Je l’entends trop souvent.

Quels principes appliquez-vous pour gérer votre équipe?
Je considère notre restaurant comme une plateforme que je propose à mon équipe. Nous avons naturellement notre concept et notre idéologie et je donne des inputs sous forme d’idées et de formations. Mais, dans leur fonction, mes collaborateurs et collaboratrices sont libres de s’impliquer comme ils l’entendent et de réaliser leur travail à leur gré. Ce qui nécessite évidemment de céder une grande part de responsabilité et ce qui fait aussi que nous en attendons beaucoup. Nous voyons rapidement si ça marche ou pas. Honnêtement, je gère deux autres établissements parallèlement à l’Écluse et je n’ai ni le temps ni l’envie de contrôler mon équipe en permanence. Pour rien au monde, je ne retournerais vers un modèle de management traditionnel.

Y a-t-il aussi des contrariétés dans l’économie circulaire?
Oh oui! Quand nous avons de jeunes plants dans le jardin et qu’un castor vient tout raser, ça a de quoi énerver. 

Circular Gastronomy Switzerland
L’association Circular Gastronomy Switzerland a été créée en 2021 dans le but d’encourager l’économie circulaire dans la restauration. La cheffe de projet, Chantal Julen (sanu future learning sa) invite les restaurants et les hôtels intéressés à consulter le site web, à se renseigner sur les différentes possibilités de créer des circuits, à trouver l’inspiration et à commencer petit: notamment avec le sujet du gaspillage alimentaire ou lors des achats et de la conception de l’offre. Elle voit aussi beaucoup de potentiel pour les acteurs du secteur dans la collaboration entre établissements et la création de circuits communs, par exemple dans la logistique. Aujourd’hui, Circular Gastronomy Switzerland travaille en étroite collaboration avec Gastrofutura.

Texte: Simone Knittel
Photo: Stöh Grünig